Revue Cliniques Juridiques > Volume 3 - 2019

De l’Enseignement Clinique du Droit aux Cléricatures Imaginaires (1972)

François Chevrette, "De l'Enseignement Clinique du Droit aux Cléricatures Imaginaires", Revue juridique Thémis, vol. 7-2, 1972, pp. 315-324 [Nous remercions vivement Élise Charpentier, Directrice de la Revue juridique Thémis de l’Université de Montréal, et Hugo Cyr, titulaire des droits d’auteur de François Chevrette, pour leur autorisation de réédition de ce texte. Une notice biographique sur François Chevrette, rédigée par Han-Ru Zhou, est présentée en fin de texte]

Les brèves réflexions qui suivent sont des réflexions d’humeur. J’en conviens au départ, tant il est vrai que ceux qui en poursuivront la lecture auront tôt fait de s’en aviser. Mais une assez longue fréquentation des récits, écrits ou verbaux, de plusieurs personnes s’intéressant de pros ou de loin (souvent de loin) à la formation universitaire et professionnelle dans le domaine du droit a fini par me donner à croire qu’en cette matière les arguments d’humeur en valaient bien d’autres.

Je livre ici les miens !

Je pars d’une constatation, à mon avis fondamentale, qui est aussi pour moi une vérité d’expérience : dans la grande majorité des cas, l’étudiant en droit, pendant au moins les deux dernières de ses trois années à l’université de même que tout au long de son année de formation professionnelle, est un individu qui a peu de goût pour le droit, qui s’y adonne dès lors fort peu, s’ennuie souvent beaucoup, n’a guère l’impression de progresser ni de maitriser son champ actuel de connaissances, et est en conséquence de tout cela profondément insatisfait1.

Je crois que c’est là une vérité. Je crois aussi que cette vérité devrait au moins servir à rallier dans un même camp – en l’occurrence le camp des vaincus – ces deux traditionnels faux opposants que sont le Barreau et les facultés. Car, au chapitre de la formation de l’étudiant en droit, ce qu’ils ont en commun, à savoir leur inaptitude à intéresser ceux dont ils ont la charge, me semble surpasser de beaucoup des divergences qui bien souvent ne veulent pas dire grand-chose, au moins dans 1’esprit de l’immense majorité des personnes formant ces deux corps.

Aussi j’entends montrer, au cours des brèves réflexions qui suivent, d’abord que l’insatisfaction ressentie par l’étudiant en droit est à mon sens un phénomène d’une importance fondamentale, dont il faudrait à tout prix privilégier l’analyse dans nos débats sur les problèmes de formation juridique. On y remédierait grandement en ayant, de l’enseignement du droit, une conception et une philosophie de type clinique. C’est l’idée que je défendrai dans un deuxième temps, pour aboutir enfin, dans un troisième, à préciser clairement que d’après moi, et les risques à cet égard ne sont pas inexistants, l’enseignement de type clinique ne doit pas être confondu avec ces « cléricatures » impossibles et imaginaires, dont il n’est ni possible ni souhaitable, dans un contexte comme le nôtre, d’assurer la réalisation.

I – Le spleen de l’étudiant en droit

Je soutiens que l’étudiant en droit est peu intéressé et jamais passionné par ses études. On me répond qu’il faudrait voir s’il l’est moins, autant ou plus aujourd’hui qu’il y a dix ou vingt ans, ou que l’étudiant d’autres disciplines, ou encore qu’il n’a qu’à s’en prendre à lui-même, à son manque d’esprit de travail, au peu d’attention qu’il porte son propre perfectionnement. Mais peu m’importent les enquêtes, statistiques et leçons de conduite, seul m’important le fait que l’étudiant en droit porte peu d’intérêt et d’enthousiasme à ses études, que ce fait soit admis et que l’on s’applique à y remédier.

Cela étant, je ne laisse pas d’être étonné de ce que, des années durant et le plaisir se poursuit toujours – d’excellents esprits se soient presque exclusivement plus à discourir et ergoter sur le détail du contenu des programmes d’études juridiques, chicanant qui sur le caractère obligatoire ou optionnel du droit des conventions matrimoniales, qui sur les quarante ou soixante heures d’enseignement à lui accorder… Cela surprend, surtout venant d’esprit « pratiques » dont on se serait attendu qu’ils témoignent que dans les carrières juridiques, peut-être plus qu’ailleurs, les apprentissages sont inévitablement incessants et que le premier de tous, parce qu’introduisant aux autres, doit au premier chef donner la capacité et le goût d’entreprendre ceux qui suivront, au lieu de l’illusion que la chose n’est plus requise parce qu’elle a déjà été accomplie. Or il me semble avéré que dans l’état actuel des choses ce premier apprentissage n’a pas du tout ce résultat !

Mais pourquoi, dira-t-on, privilégier de pareille façon comme phénomène l’insatisfaction subjective qu’un étudiant peut ressentir en cours ou en fin d’études, alors même qu’il ne sait encore rien des activités ou fonctions auxquelles sa formation le destine et qu’il est en conséquence bien inhabile à l’apprécier ? Le jugement qu’il pourra rétrospectivement porter sur celle-ci, après cinq, dix ou vingt ans de métier, n’a-t-il pas plus de valeur et d’intérêt pour ceux que préoccupent les questions de formation juridique que des lassitudes et mouvements d’humeur d’écolier ?

A ce sujet il m’intéresserait assez de faire chez les praticiens du droit une courte enquête consistant à demander à un certain nombre d’entre eux, exerçant par exemple depuis six, dix ou quinze ans, quels sont, parmi les enseignements juridiques qu’ils ont reçus pendant leur période de formation, ceux qui ont été les plus utiles et les plus profitables à leur activité professionnelle subséquente. Je parie qu’il leur serait pour beaucoup fort difficile de répondre. Je parie aussi que le classement en fin de compte proposé serait bien souvent sans rapport avec leur champ actuel de spécialisation ou d’activités dominantes2 et qu’à la question : « Qu’est-ce qui vous est aujourd’hui utile ? » on répondrait d’instinct : « Voilà ce qui à l’époque m’a le plus intéressé et dont j’ai gardé le souvenir le plus fidèle ».

J’en infère simplement qu’en la matière la meilleure façon de préparer l’avenir est de prendre intérêt au présent. Car le premier, quand il n’est pas conditionné par des circonstances imprévisibles, l’est par des goûts, qui sont imprévisibles aussi parce que changeants. Telle étant la difficulté de pronostiquer, qu’on se soucie donc du temps qui passe et qu’on tente d’y intéresser ceux qui le vivent. Dans le contexte actuel, c’est déjà là un programme fort ambitieux !

Je ne veux pas laisser entendre par ce qui précède qu’une période de solide formation juridique est inutile celui qui veut faire du droit3 ni qu’il faut s’appliquer à apprendre à l’université des choses sans rapport avec le métier qu’on exercera. Mais je prétends qu’on s’illusionne fort à mettre tant d’importance, de chicane et d’énergie, et si exclusivement, à la fabrication des programmes d’enseignement et à la défense de « tout ce que futur jeune avocat devrait savoir ». Et je déplore aussi que, discutant de formation juridique, l’on ait tous et chacun plus ou moins tendance à perdre tout son naturel et à se prendre très au sérieux, requérant des études de droit des vertus qu’elles n’ont pas et ne peuvent pas avoir, et que curieusement elles n’ont pas eu non plus pour soi, ce dont par ailleurs on ne songe même pas à se plaindre, souvent persuadé de n’en pas être sorti « si mauvais avocat ».

Aussi j’exagérerais à peine ma pensée en soumettant que toute l’énergie que l’on dépense, et fort utilement au reste, à débattre de ces questions est dans l’état actuel des choses davantage au bénéfice des étudiants en droit pendant qu’ils sont étudiants en droit qu’à leur bénéfice une fois leurs études complétées. En effet d’où viennent les remises en question ? Elles viennent primordialement des étudiants, et non de ceux qui ne le sont plus. Je propose donc que ce soit les premiers que l’on écoute, sans leur souffler les propos à l’oreille et sans leur faire des peurs ni leur exhiber des chimères. On découvrira ainsi qu’ils ont au moins la qualité d’être de plus en plus incapables de s’ennuyer et de se sentir inutiles pendant quatre ans ; et c’est tout leur honneur !

Assuré que les milieux de formation juridique, tant du côté de ceux qui y enseignent, à quel que titre que ce soit, que du côté de ceux qui y étudient, ne sont point majoritairement constitués d’imbéciles et que le souci de bâtir des programmes réalistes ne peut pas ou ne peut plus, si ce fut jamais le cas et ne serait-ce qu’en raison de la mentalité étudiante, être négligé par eux, je propose qu’on oublie toutes les autres questions pour ne considérer que celle qui suit : comment peut-on faire pour que l’étudiant en droit mette du temps, de l’intérêt et de l’énergie à ses études, qu’il fasse du droit, du bon droit, qu’il en fasse beaucoup, et qu’il ait le sentiment d’apprendre et de progresser ? A côté de celles-1à, toutes les autres questions, pour moi, sonnent étrange, et surtout celles relatives aux programmes et plus encore l’allongement d’études dont on a d’instinct l’impression qu’elles durent déjà trop, tant on s’y ennuie prodigieusement !

En résumé, je pense que dans ce long et laborieux débat sur la formation juridique, l’insatisfaction de l’étudiant et le peu de goût qu’il porte à ce qu’il fait est, et de loin, la donnée la plus importante. C’est en tout cas celle qu’on s’est le moins appliqué à analyser à ce jour, la plus troublante, la moins naturelle qui soit. On en conviendra je l’espère : il n’est pas dans la nature des choses que celui qui commence, la plupart du temps avec enthousiasme et ferveur – 1’expérience le prouve – et poursuit des études qu’il a librement choisies et pour lesquelles il se sentait attiré en soit, après six mois ou un an d’usage, très généralement fort déçu et dans la perpétuelle attente qu’elles s’achèvent.

C’est ce à quoi à mon sens il faut primordialement tenter de porter remède. Et à ce chapitre une conception ou philosophie clinique de l’enseignement du droit peut être, selon moi, un puissant facteur d’amélioration.

II – L’enseignement clinique du droit

Je n’entends pas proposer de définition rigoureuse de ce qu’est l’enseignement clinique du droit. Trop de gens déjà s’y sont aventurés, avec des succès trop relatifs, pour que la tentative mérite d’être renouvelée4. Restons-en, ce me semble préférable, à une notion « primaire » de la chose, d’autant plus acceptable cependant que l’immense majorité des gens entendent assez aisément à quel type d’expérience l’expression veut référer.

Au premier chef l’on pensera à une initiation, réelle ou simulée, aux diverses activités qui se tiennent dans les études ou cliniques légales, ainsi que dans les salles d’audience et bureaux de nos palais de justice. L’éventail en est à peu près inépuisable et va de la rencontre avec le client ou le témoin jusqu’à l’interrogatoire devant le tribunal et la plaidoirie, en passant par la rédaction d’actes et de procédures, la constitution de dossiers, la participation des règlements hors cour, négociations, arbitrages, l’opinion légale approfondie et la consultation téléphonique rapide, etc. C’est déjà tout un programme, assez strictement professionnel toutefois et qui correspond globalement aux traditionnelles « cléricatures ». Aussi si l’on se fait de l’enseignement clinique du droit une conception plus large, axée sur l’idée d’une connaissance et d’une réflexion juridiques de type expérimental, par opposition aux enseignements des livres et des salles de cours, l’on acceptera d’ajouter à la liste non seulement les stages au sein de ministères, offices ou bureaux spécialisés (protecteur du citoyen, protection du consommateur, tribunaux familiaux) mais encore la participation à des équipes de recherches chargées d’analyser le comportement d’un milieu (pénitentiaire, hospitalier), sa réaction à une législation nouvelle qui le concerne ou le besoin qu’il y a à lui en fournir une et le contenu de celle-ci.

L’énumération qui précède, remarquons-le tout de suite, n’a rien d’homogène. L’initiation peut en effet se dérouler dans un cadre réel ou simulé (tribunal-école, exercice de rédaction d’actes et de procédures), se faire chez les riches ou les pauvres (grand cabinet ou clinique de quartier), requérir dans des proportions variables recherche et savoir, habileté et savoir-faire (opinion légale, interrogatoire, négociation), être de nature purement légale ou partiellement sociologique (observation d’un milieu), comporter application du droit existant ou critique et élaboration de législation nouvelle. On me fera remarquer que toutes ces activités, fort variées au premier regard, présentent comme dénominateur commun celui d’être toutes plus proches du « faire » et du « vécu » que l’enseignement traditionnel et les présentations didactiques ; et, si lâche puisse me sembler cette parenté, j’en conviens tout de suite, car qui n’en conviendrait pas ?

Varié dans ses champs d’application, l’enseignement clinique l’est aussi dans les appuis qu’il reçoit. De l’extrême-droite à 1’extrême-gauche en passant par l’extrême-centre, l’on rencontrera des tenants de l’apprentissage « sur le terrain »5. J’avoue qu’un pareil éventail de supports, s’il n’inquiète pas, doit en tout cas surprendre. Quand un projet rallie tant de gens que tout par ailleurs sépare, cela donne à penser qu’il doit au moins comporter quelques difficultés dans l’ordre de la réalisation !

Mais quoi qu’il en soit pour l’instant, je suggère que cette première description de ce qu’est l’enseignement clinique du droit et qui ressort des paragraphes qui précèdent n’est pas la bonne ou pas la meilleure et qu’il vaut mieux, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles on reviendra, présenter l’enseignement clinique en insistant sur son originalité méthodologique plutôt que sur une liste d’activités concrètes où il peut éventuellement s’exercer.

J’en arrive donc à ce qui me semble le plus important, à savoir l’enseignement clinique du droit comme méthodologie.

Je pars d’une analyse de Jean Fourastié sur l’esprit scientifique, qui à l’époque m’avait beaucoup intéressé, d’autant qu’elle me semblait et me semble encore contenir des éléments de solution aux problèmes qui nous concernent ici. Dans un petit ouvrage intitulé Faillite de l’Université6, justement, cet auteur s’applique à mettre en opposition d’une part ce qu’est pour lui l’esprit scientifique véritable et d’autre part les moyens le plus souvent utilisés pour transmettre les connaissances. A cette dernière fin et pour des raisons de commodité, de rapidité et pour en livrer le plus possible on recourt « à la présentation rationnelle, à l’exposé déductif, aux formations abstraites » (p. 109). Mais, de poursuivre l’auteur, « le rationnel est un moyen efficace de la transmission de la connaissance formée… ; il n’est pas un critère de conformité de la pensée avec le réel ; il n’est pas un moyen de l’acquisition de la science… mettant l’accent sur la mémoire de l’information, on en néglige d’autant le traitement, ou plus exactement en s’engage dans un traitement « rationnel » et déductif de l’information, en élaborant de longues chaines de raisonnements discursifs ou dialectiques… Mais le traitement
novateur de l’information, l’aptitude à la découverte, l’acquisition d’informations absolument nouvelles, l’essentiel donc de l’esprit scientifique expérimental, est négligé et méconnu » (p. 110).

Cette analyse me frappe, et je la crois transposable à l’enseignement du droit. Passons sur l’objection que le droit n’est point une science mais un art (trêve de balivernes !) et retenons seulement celle que, si science il y a, elle n’est pas expérimentale vu qu’on n’y trouve pas de laboratoire et qu’on n’y expérimente rien. Mais cette différence à mon sens n’est d’aucune pertinence aux fins qui nous concernent ici, tant il est vrai qu’en enseignant le droit comme la science on peut choisir d’exposer sur un mode rationnel et déductif les règles existantes ou à l’inverse s’appliquer à les inférer des composantes complexes de la réalité. Or l’enseignement clinique serait tout simplement celui qui emprunterait cette seconde voie, au lieu de la première.

En termes simples et pour prendre des exemples concrets, il s’agit de rien de moins que de faire en sorte que pendant ses études l’étudiant en droit soit appelé à réinventer plusieurs chapitres du code civil et du code de procédure civile, pour ne parler que de ces secteurs-là. On me dira : il est absurde d’appeler celui qui ne connait pas ou ne connait que très peu un domaine du droit à y bâtir un code ou une législation. Mais le but est précisément de voir à ce qu’il le connaisse, en mettant toutefois le bœuf avant la charrette, c’est-à-dire le problème avant la solution, et en n’exposant la règle de droit présente qu’une fois bien ressentie la nécessité d’en avoir une quelconque et la difficulté de trouver la bonne ou la meilleure qui soit.

Une telle démarche ne va pas sans difficulté. En voici trois. D’abord elle est lente, indiscutablement plus que tous ces procédés didactiques qui nous sont si connus. Deuxièmement elle est extrêmement exigeante, pour l’étudiant mais aussi pour le professeur, qui doit avoir la parfaite maitrise de son sujet et dont le rôle primordial est de contrôler les questions que se pose l’étudiant, de voir à ce que ce soit les bonnes et qu’il n’en oublie pas. Car la méthode requiert, du groupe de personnes qui l’utilise, qu’il recrée par exemple, en imagination ou par un processus de simulation très simple, une vente qui a lieu, un prêt que l’on consent, un procès ou une simple négociation qui se tient. A partir d’un dossier réel ou fictif, ou d’un simple alignement de questions référant une situation imaginaire, ou encore d’un conflit élémentaire existant entre deux personnes, l’on doit être capable, si la chose est bien menée, de reconstruire le droit de la vente ou du prêt ou les grandes étapes procédurales d’un procès. Troisième inconvénient de la méthode, et je la suggère presque sérieusement : elle comporte le risque d’accentuer le conservatisme de l’étudiant en droit, tant il doit pouvoir se rendre compte de la difficulté qu’il y a à « faire du droit », d’où un certain penchant peut-être à se satisfaire en définitive de la règle existante, qu’il aura cependant l’avantage cette fois de bien connaitre et dont il saura la justification.

« Il est bien certain, écrit Jean Fourastié, que les résultats de la science ne se transmettent rapidement que par autorité et rationalité. Aucun enfant n’a le temps de refaire lui-même, et même s’il est guidé, les expériences des Archimède, des Torricelli, des Pascal, des Faraday… »7 La mise en garde pour le droit clinique ne m’inquiète pas outre mesure, car j’ai peu de craintes que dans le contexte présent l’on soit enclin à en abuser. Aussi en regard des problèmes actuels auxquels sont confrontés les milieux de formation juridique et dont j’ai parlé au début, je suis absolument convaincu que l’enseignement du droit gagnerait en efficacité en devenant « expérimental », au sens suggéré ici. Personne ne le niera : le droit vise à fournir un règlement à certaines situations, le terme règlement désignant, en droit comme ailleurs, autant la solution particulière (c’est le règlement d’une affaire, qui peut être conflictuelle ou ne pas l’être, comme la conclusion d’un contrat) que celle d’application générale (c’est le règlement entendu dans l’autre sens). D’où il m’apparait démontré que les études de droit doivent habituer l’esprit à « résoudre », soit par application de la règle de droit existante soit par création d’une nouvelle. Et les choses se passant ainsi dans la réalité, il est naturel que l’étudiant en droit ait un sentiment d’étrangeté et de malaise si elles se passent de toute autre façon dans l’enseignement !

Ainsi j’entends simplement par enseignement clinique un enseignement qui habitue l’esprit à identifier les problèmes et à tenter de les solutionner.

Sur quoi plusieurs personnes ne manqueront pas de faire remarquer, avec quelque ironie, qu’ils sont heureux d’apprendre avoir fait de l’enseignement clinique depuis nombre d’années, et comme monsieur Jourdain, c’est-à-dire sans le savoir. Mais je rappelle que la méthode dont je m’applique ici à vanter les mérites ne consiste pas à présenter d’abord un exposé déductif des règles de droit pour le faire suivre ensuite d’exercices d’application ; la seule présence de « cas pratiques », instrument par ailleurs fort utile, ne saurait suffire à améliorer sensiblement la situation, d’après la perception que j’en ai.

J’en entends d’autres insister sur la nécessité d’avoir encore recours, au moins dans une première étape, aux présentations rationnelles et déductives et aux exposés de synthèse, d’autant que c’est encore là, diront-ils, ce que la majorité des étudiants souhaitent et préfèrent recevoir. Sans doute cette façon de procéder est-elle encore indispensable – et pas seulement aux étudiants – mais elle est faite pour les livres et n’a plus de résultat en salle de cours.

J’en entends enfin, et c’est sûrement le plus grand nombre, dire que pour eux l’enseignement clinique n’est rien d’autre qu’un enseignement pratique et appliqué, si possible « sur le terrain », à tout le moins dans une simulation satisfaisante de celui-ci (par exemple un tribunal-école). Or je continue à avoir le sentiment opposé, et j’aimerais m’en expliquer plus complètement.

Dans l’état actuel des choses, tout m’apparait très grossièrement se passer de la façon suivante ou du moins être perçu comme se passant de cette façon. Dans un premier temps l’étudiant en droit est informé et apprend le contenu et l’agencement d’un certain nombre de règles ; dans un second on les lui fait appliquer, soit par des exercices pratiques comportant, justement parce qu’ils sont pratiques, des éléments d’incertitudes et de débats, soit par des questions « style-examen-du-barreau » ; dans un troisième il les applique lui-même, dans la « vie vraie » (à ne pas confondre avec la « vraie vie »), à son bureau, au tribunal ou ailleurs, dans des dossiers, écrits, contrats, procédures ou exposés verbaux. L’enseignement clinique habituellement entendu vise à instituer une meilleure préparation à cette troisième étape. L’enseignement clinique au sens où je l’entends ici vise à briser dans une certaine mesure cette succession.

Mais pourquoi préférer ce deuxième sens au premier ? J’ai au moins deux raisons.

La première et pour moi la plus importante tient à ce qu’il est de plus en plus difficile à l’étudiant – et pas uniquement à lui – de dissocier la réflexion d’une certaine forme d’action et la connaissance d’une certaine forme d’apprentissage. Passons vite sur les causes probables du phénomène. Certaines sont des traits de civilisation, tel le fait que toute connaissance scientifique doive obligatoirement de nos jours, pour le meilleur ou pour le pire et dans les meilleurs délais, déboucher sur une application technique, telle aussi l’accélération du temps et du changement, qui fait vieillir vite et rend d’autant moins supportables quatre ans de préparation à une carrière8. D’autres sont plus liées à une certaine conjoncture, comme l’incertitude de l’étudiant sur ses débouchés professionnels futurs et son besoin de voir vite « ce qu’il sera capable de faire », ou encore la résurgence d’une certaine philosophie sociale de type communautaire, avec les engagements qu’elle suscite9. Mais quoi qu’il en soit des causes, le phénomène du besoin d’action et d’apprentissage chez l’étudiant existe et l’on aurait tort d’en minimiser l’importance.

Prenons-le donc pour un donné, composons avec lui et mettons-y un construit, le moins mauvais possible. Dans cette perspective, je demande en grâce quelle objection il pourrait y avoir à ce qu’on enseigne un certain type de convention, non plus suivant la présentation : définition, conditions de fond et de forme, obligations des parties, causes d’extinction, mais bien par exemple avec un difficile contrat de vente ou bail emphytéotique entre les mains. Pourquoi encore, cette fois au chapitre de la procédure, la distinction entre les moyens préliminaires et la contestation au fond ne surgirait-elle pas à l’occasion d’un conflit
imaginé entre deux groupes d’étudiants ? Ou pourquoi les règles du contre-interrogatoire ne seraient-elles pas exposées simultanément ou après projection sur film de ce difficile exercice ? Ou encore le droit pénal ou celui de la faillite, avec pour instrument de départ un dossier, le plus épais et complexe possible, portant sur ces champs ?

On me dira qu’un tel artifice de présentation ne comporte aucun intérêt scientifique. J’en conviens d’emblée; car ce n’est pas de science mais de pédagogie qu’il s’agit. I1 se peut bien pourtant que l’artifice utilisé rende possible de pousser la réflexion scientifique beaucoup plus loin, en neutralisant l’insécurité et en satisfaisant la curiosité « pratique » de l’étudiant, car encore une fois ce n’est point de recette qu’il s’agit mais bien de tirer la règle de droit des données et nécessités empiriques, pour en mieux faire saisir la nature, les variantes possibles et les difficultés d’application.

On me dira aussi qu’une telle méthode, parce qu’insuffisamment cohérente et trop pleine de recoupements, ne saurait servir à un enseignement de base, destiné à l’étudiant débutant. J’inscris ici mon désaccord et je préfère écouter l’étudiant moyen affirmer : « Le droit, ce n’est pas difficile, mais on a beaucoup de matières à étudier ». Et combien je souhaiterais qu’il ait l’impression inverse ! En ce qui concerne les recoupements – champs minés qu’on verra plus tard si l’on débute et qu’on a vus antérieurement si l’on est avancé – je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi les professeurs en voient partout et avec tant d’inhibition, ni comment il peut se faire que certains points de droit – fiscal, commercial
ou peu importe – soient de nature inaccessibles à l’étudiant d’un certain niveau. Je le dis tout net : pour moi, sur un programme aussi court qu’un programme de trois ou même quatre ans, tout est à peu de choses près interchangeable et peut être enseigné n’importe quand, les prérequis sont de l’ordre de la douce illusion et le trop fort attachement aux cloisonnements de programme devient à la longue le meilleur moyen de bloquer l’évolution de l’enseignement.

En résumé, je crois que le triptyque méthodologique traditionnel aux études juridiques – exposé du droit, application simple de la règle, application complexe et clinique de celle-ci – mériterait dans beaucoup de secteurs d’être considérablement assoupli et qu’on aurait intérêt à mener certaines expériences dans le sens d’une certaine fusion. Et s’il m’apparait préférable, dans le cadre d’un programme de droit clinique, de fusionner les étapes au lieu de n’investir qu’isolément dans la troisième, c’est qu’au moment où il franchit les deux autres, et pour les franchir le mieux possible et avec le plus de profit, l’étudiant, dans l’état actuel des choses, a un assez net besoin psychologique de la dernière, même si les avantages scientifiques directs qu’il en retirera ne sont pas à mes yeux évidents.

Longuement réfléchies et bien articulées par des professeurs compétents et qui s’y appliqueraient, les expériences en ce sens n’auraient rien d’irréalisable, tant l’innovation est simple et naturelle si l’on y pense avec quelque détachement.

J’ai une autre raison pour favoriser l’enseignement clinique comme méthodologie, intégrée à un certain nombre d’autres enseignements, au lieu d’y voir un ajout, arrivant une fois ceux-ci complétés. Elle tient tout simplement à ce que, de la même façon qu’une certaine orientation clinique intelligemment entendue peut améliorer chez l’étudiant, même débutant, la compréhension et l’analyse de la règle de droit, de même toutes les chances me semblent être à l’effet que, laissée à elle-même et privée de lien avec les deux précédentes, l’étape clinique s’appauvrira singulièrement et sera destinée avoir à peu près autant de succès que tous ces enseignements dits professionnels, que l’on a tenté vainement d’instaurer depuis si longtemps.

Ce serait la poursuite de ce rêve des « cléricatures imaginaires », où tout le monde serait perdant, les « clercs » les premiers, qui seraient une fois de plus trahis !

III – Les « cléricatures imaginaires », ou les « clercs » encore une fois trahis !

Mon sentiment là-dessus est tout simplement le suivant : il est contre l’intérêt de tout le monde d’avoir au bout des études de droit cette fameuse quatrième année de formation professionnelle10. Et ce qui m’agace n’est point du tout le fait que ce ne soit plus l’université qui en ait la charge, car, là-dessus mon souvenir est fidèle, les choses n’allaient guère plus rondement au temps où c’était le cas.

C’est bien plutôt que je suis en désaccord complet avec une telle dissociation. Mes raisons, je le rappelle, n’ont rien de compliqué : l’étudiant en droit, dès l’université, ressent le besoin d’une certaine perspective clinique, et l’étudiant-stagiaire, pas plus que le praticien, ne peut se passer de faire de la « théorie ». Et les faits, aujourd’hui plus que jamais, me donnent raison, quand on sait que d’une part plusieurs universités, en plus d’un tribunal-école, ont des cliniques juridiques, et que d’autre part l’école professionnelle dispense, avec des bonheurs variables, des enseignements sous une forme très souvent classique. Mais tout le monde, à ce jour, y trouve encore mal son compte, autant le stagiaire qui, répugnant à ne faire que de la « formule », se plaint par ailleurs de certaines répétitions de droits qu’il a déjà étudiés, que l’étudiant universitaire qui se plaint lui d’un manque de contact avec la réalité.

On me dira qu’a l’université ou ailleurs il faut maintenir une quatrième année d’enseignement professionnel, pour le double motif que c’est l’année du stage et qu’on y enseigne certaines matières, essentielles à l’exercice de la profession, qu’un étudiant qui s’y destine peut n’avoir jamais étudiées en raison des programmes d’options des universités.

Passons vite sur le deuxième motif qui à mon sens tient de la « mythologie du programme » ; de cela j’ai déjà assez parlé. Quant au système de stages, on finira bien par se rendre compte que dans un univers comme le nôtre, l’avocat ou le fonctionnaire n’a de façon générale ni le temps ni par conséquent le goût d’en concevoir un suffisamment efficace et instructif pour qu’il vaille la peine de le mettre en branle, le temps, le goût et le génie de la chose ne pouvant à la limite venir que de beaucoup d’argent, ce dont par ailleurs une collectivité comme la nôtre ne dispose pas. Je suis en conséquence de ceux qui voient une vaste illusion dans tous ces projets d’apprentissage généralisé « sur le terrain », non pas qu’ils ne soient pas tous par nature excellents mais bien à cause des difficultés insurmontables qu’on découvre à les réaliser, et du temps qu’on perd et du dépit que l’on ressent à s’inscrire à ceux qui ne sont pas très bons. En fin de compte, si une civilisation comme la nôtre est capable de trouver des succédanés à tant de choses, on doit pouvoir en trouver à ce qui nous occupe ici, mon impression par ailleurs étant qu’on ne s’y est point encore beaucoup appliqué.

En clair, quand on parle de formation professionnelle, qu’est-ce qu’on veut dire ? Examen et rédaction de procédures, analyse de dossiers, initiation aux rouages administratifs des cours de justice, déroulement de négociations, présentation et exercice de plaidoiries ! Qu’au plus vite et dès l’entrée à l’université l’on enseigne avec des dossiers et en maniant des procédures ; c’est presque un jeu d’enfant ! Et au lieu de laisser l’étudiant, la bride sur le coup, arpenter les couloirs du palais à la recherche, souvent vaine, du bon procès et du bon plaideur, qu’au plus tôt en pareille matière l’on fasse quelques films et que, tirant profit de l’artifice et du découpage, l’on projette ce qui peut instruire et intéresser.

Je tiens que ceci, dans le contexte, serait infiniment plus utile et important que ces utilisations de l’audio-visuel à des fins didactiques ultra-sophistiquées ou encore que la vogue des examens dits objectifs. Aussi quand j’entends universitaires et praticiens émettre l’avis qu’enseignement universitaire et enseignement professionnel, au sens que nous venons de voir, ont l’un et l’autre intérêt à être dissociés, je suis plus qu’étonné, tant il me semble d’un irréalisme inimaginable à la fois de priver l’étudiant de l’université de choses au fond bien simples dont à la limite on pourrait même dire qu’il a besoin pour faire du meilleur droit, et de livrer au stagiaire des formules sèches, des cours rapides et le paradis perdu des « cléricatures » imaginaires.

Et si l’objection me venait que l’enseignement clinique tel que je le perçois risquerait d’être trop en serre chaude, je répondrais deux choses. D’abord que l’enseignement et la réflexion juridiques, par le temps qu’ils requièrent et par le temps qui court, ont tout intérêt à ne pas être menés entre deux causes à plaider, dans les couloirs du palais11. Car tout cours, si clinique qu’il soit, exige pour éviter l’anecdote d’être réfléchi, approfondi et bien articulé ; et il va de soi que quand on fait autre chose, on ne fait pas cela. Je répondrais aussi que les cliniques juridiques universitaires, ou celles avec lesquelles l’université est en mesure de passer des accords d’association, devraient devenir le milieu privilégié des apprentissages « sur le terrain ». Non point parce qu’elles sont universitaires mais parce que là plus qu’ailleurs des apprentissages « contrôlés » m’apparaissent possibles, qui sont si nécessaires pour éviter les pièges de la routine et du pur exercice de répétition12.

Car à ceux qui ne le sauraient pas je signale, et je rappelle à ceux qui en sont déjà avertis, que le milieu juridique du Québec, comme bien d’autres milieux d’ici, ne pêche pas par excès de richesse scientifique, et que les juristes ayant une réputation internationale n’y courent pas les rues13. C’est aussi une chose dont une université, pour en être une, doit être préoccupée, et s’aligner sur la vie quotidienne de la rue St-Jacques14 n’est point, que je sache, une garantie de progrès en la matière !

Je me relis avec un certain pessimisme. Car j’ai peu d’espoir d’avoir convaincu beaucoup de gens de ce que : 1° en matière de formation juridique l’intérêt de l’étudiant est la donnée majeure ; 2° on peut et doit le susciter non point avec des propos « journalistiques » mais avec un enseignement technique, sérieux et approfondi ; 3° les programmes académiques ne sont point dans le contexte quelque chose de vraiment important ; 4° un enseignement juridique universitaire peut donner une vision clinique sans perdre aucune de ses qualités et en en gagnant d’autres ; 5° l’enseignement professionnel isolément livré est sans avenir, de même que les apprentissages « sur le terrain ».

Cela étant, on s’accordera au moins avec moi sur un pronostic morose : le spleen de l’étudiant en droit ne fait que commencer !

Né à Montréal en 1941, François Chevrette a obtenu sa licence en droit, avec distinction, de la Faculté de droit de l’Université de Montréal en 1964. Dans les matières de droit public, il a été l’étudiant de Pierre Elliott Trudeau – plus tard 15e premier ministre du Canada (de 1968 à 1979 et de 1980 à 1984) et père de la Charte canadienne des droits et libertés – avec qui il nouera des liens durables, ainsi que d’Alice Desjardins, première femme à occuper un poste d’enseignement à plein temps dans une faculté de droit canadienne et première femme à être nommée juge à la Cour d’appel fédérale du Canada. Admis au Barreau du Québec en 1966, il complète un diplôme études supérieures en droit public et science politique à l’Université de Paris en 1968. 

À son retour au Québec la même année, il est nommé professeur adjoint en droit public à son alma mater, y est promu agrégé en 1971, puis titulaire en 1977. De 1984 à 1988, il exercera les fonctions de Doyen de la Faculté de droit. Enseignant en droit public et en théorie du droit durant plus de quatre décennies à l’Université de Montréal et de temps à autres dans d’autres universités montréalaises, on peut dire du professeur Chevrette qu’il a formé la majorité des constitutionnalistes québécois qui font aujourd’hui autorité. 

Auteur de nombreux articles et ouvrages scientifiques, son œuvre marquante demeure sans doute Droit constitutionnel : notes et jurisprudence (P.U.M.), publiée en 1982 avec le professeur Herbert Marx – plus tard ministre de la Justice du Québec et juge à la Cour supérieure du Québec. Dans cet ouvrage monumental, les deux auteurs réaliseront le rare accomplissement d’allier fonction pédagogique et référence doctrinale, faisant ainsi de Droit constitutionnel une œuvre-phare à laquelle les tribunaux et les juristes continuent encore de citer. François Chevrette est décédé le 19 mai 2012 alors qu’il était toujours en fonction. Il fut un pédagogue admiré et est généralement considéré comme le plus grand constitutionnaliste québécois de sa génération. 

Notice biographique rédigée par Han-Ru Zhou, Professeur agrégé (droit public), Faculté de droit de l’Université de Montréal.

Notes

  1. Je parle ici du milieu que je connais, celui des étudiants en droit de l’Université de Montréal, pendant leur séjour à l’Université et pendant leur période de formation professionnelle. Je serais prêt toutefois à tempérer considérablement mes propos en ce qui concerne l’entrainement professionnel des futurs notaires. Je ne parle que de ce milieu, avec d’autant plus d’aise cependant que mes propos donneraient, je l’intuitionne, une forte impression de « déjà vu » aux membres d’autres milieux de formation juridique au Québec. Quant à ma constatation « intuitive » elle est loin d’être infirmée, c’est le moins qu’on puisse dire, par les résultats d’enquêtes scientifiques savantes effectuées sur la même question.
  2. Cela est d’autant plus vraisemblable qu’en acquérant avec le temps beaucoup de compétence dans un domaine l’on doit naturellement être enclin à oublier comment on y fut initié (« intuition » de ma part sujette à confirmation ou infirmation des lecteurs compétents !)
  3. Autant que possible je préfère parler de « ceux qui font du droit » plutôt que des « avocats » ou des « juristes », pour éviter des querelles anciennes, d’une troublante émotivité !
  4. Les études existantes sur l’enseignement clinique du droit sont innombrables, surtout aux Etats-Unis, et l’on s’en rendra compte en ne consultant que l’excellent périodique Journal of Legal Education, publié par The Association of American Law Schools. A pur titre d’exemples, voir aussi : Robert A. Gorman, « Clinical Legal Education: A Prospectus », Southern California Law Review, vol. 44-3, 1971, pp. 537-573 ; Allen Redlich, « Perceptions of a Clinical Program », Southern California Law Review, vol. 44-3, 1971, pp. 574-623 ; Arthur B. LaFrance, « Clinical Education: To Turn Ideals into Effective Vision », Southern California Law Review, vol. 44-3, 1971, pp. 624-663 ; Gary Bellow, Earl Johnson, « Reflections on the University of Southern California Clinical Semester », Southern California Law Review, vol. 44-3, 1971, pp. 664-695. Pour une étude canadienne, voir : David R. Lowry, « A Plea for Clinical Law », Revue du Barreau canadien, vol. 50-2, 1972, pp. 183-212 [NDLR : les références de cette note ont été reformatées pour la revue]
  5. Illich écrit : « En fait, apprendre est, de toutes les activités humaines, celle qui nécessite le moins de manipulation de l’extérieur. La majeure partie du savoir acquis n’est pas le résultat de l’enseignement. C’est plutôt l’effet d’une participation non entravée, dans un contexte signifiant. La plupart des gens apprennent mieux en étant « dans le coup »… » Ivan Illich, « Pour en finir avec la religion de l’école », Esprit, 1971, pp. 835-840. Je suis personnellement assez d’accord avec cette pensée, encore que je pense en apprendre plus par les livres que par les gens que je rencontre. Mais bien des avocats ultra-conservateurs le seraient aussi, pour qui : « On n’apprend rien à l’université, on n’est pas dans le monde, et quand on en sort on n’est pas même capable de rédiger une déclaration ».
  6. Jean Fourastié, Faillite de l’Université, coll. Idées, Gallimard, Paris, 1972, en particulier le chapitre IV intitulé L’Université et l’esprit scientifique. Une longue partie de l’ouvrage est aussi consacrée à la question des débouchés aux nouveaux diplômés et à la prévision de l’emploi. Pour les fins de mon présent propos, faillite de l’université englobe faillite de l’école professionnelle ; mais sur cette dernière faillite je regrette de n’avoir personne à citer, les personnes qui en sont les plus averties étant des personnes qui écrivent assez peu sur le sujet…
  7. Id., p. 119.
  8. Carrière elle-même marquée de plus en plus d’incertitudes, comme on le sait. Parlant de l’université et des étudiants, un auteur écrit: « Elle les retient pendant les années mêmes où l’élan vital est le plus vigoureux, où l’homme a le plus vif besoin de dépenses d’énergie, d’initiation, de risque, d’engagement. Ces besoins sont naturellement ceux d’un âge de la vie qui était autrefois l’âge du guerrier ». B. de Jouvenel, « L’explosion estudiantine », Revue Analyse et prévision, vol. 6, 1968, p. 567.
  9. Je pense évidemment aux cliniques juridiques de quartier.
  10. NDLR : Au Québec, au moment de la rédaction de cet article comme encore aujourd’hui, les études supérieures commencent par un cycle de 2 ans d’études généralistes dans un Cégep (collège d’enseignement général et professionnel). Les étudiants peuvent ensuite s’inscrire en droit dans une université pour obtenir un baccalauréat en 3 ans.
  11. Je sais bien que la politique d’une université comme l’Université de Montréal est de favoriser et d’encourager « le travail à l’extérieur » ; mais personne ne m’a encore prouvé que cela était bon, ni pour l’enseignement ni surtout pour la science. Ce ne l’est que pour une chose : les finances de l’Université, dont les salaires se voient ainsi heureusement renfloués par ces revenus d’appoint.
  12. Beaucoup de témoignages sur les stages en clinique juridique aux États-Unis mettent l’accent sur ce risque, qui aboutit à créer de l’insatisfaction chez l’étudiant et à être sans profit pour lui.
  13. NDLR : les choses ont bien changé depuis, le Québec n’ayant plus du tout à rougir quant à la richesse scientifique de ses Facultés de droit.
  14. NDLR : La rue St-Jacques à Montréal abrite le Palais de Justice.